la libertine et le prisonnier by Gilles Milo-Vaceri

Auteur:Gilles Milo-Vaceri [Milo-Vaceri, Gilles]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

10

Émilie et Isabella étaient méconnaissables dans leurs vêtements qu’un messager avait apportés en fin d’après-midi. Toutes les deux se tenaient debout devant la mère supérieure, qui se montrait à la fois attentive et chagrinée.

— Mes filles, il est l’heure pour vous de retourner dans le siècle et d’y faire ce que bon vous semble. Je vous invite à prier Dieu aussi souvent que vous le pourrez et à ne pas oublier votre passage en ces lieux. J’espère qu’il en restera quelque chose… pour ma part, je ne vous oublierai pas et prierai pour vous.

Un discours d’adieux des plus simples. Isabella songea que les rentes allouées par la reine contrebalanceraient facilement leur absence et la nostalgie qu’elle semblait inspirer à la mère supérieure.

Elles enfilèrent leur manteau sans pour autant le refermer ni mettre leurs capuches. Elles n’eurent pas longtemps à attendre. On frappa à la porte et la sœur portière entra en trombe. Elle parut un peu surprise de trouver là deux novices vêtues de manteaux, mais elle ne posa aucune question et s’adressa à la mère supérieure.

— Ma mère, je ne comprends pas… Un carrosse est arrivé, escorté par quatre hommes à cheval. Ils ont frappé et m’ont dit que vous étiez au courant, alors je…

La mère supérieure lui intima le silence d’un simple geste.

— Retournez à votre cellule de garde, ma fille. Sœur Héloïse va se charger de ces visiteurs. Ne vous inquiétez pas.

Certainement déçue d’être ainsi reléguée à sa fonction sans partager les secrets du couvent, la portière fit demi-tour, sans un mot.

Émilie et Isabella s’inclinèrent alors devant la supérieure et suivirent sœur Héloïse.

Isabella jubilait ! La chance avait fini par lui sourire et c’est le cœur battant qu’elle parcourut ce couloir qu’elle n’avait vu qu’une fois, un an et demi auparavant. La grande porte qu’Héloïse ouvrit enfin ressemblait aux portes du paradis !

Ce fut une sensation indescriptible de faire le premier pas dehors. Isabella leva les yeux vers le ciel où des myriades d’étoiles scintillaient. Même lui s’était paré de ses plus beaux atours pour lui souhaiter la bienvenue.

La liberté ! Jusqu’au jour où elle fermerait définitivement les yeux, jamais son sentiment de liberté ne serait aussi fort qu’à cet instant.

Elle pleurait en silence en se dirigeant vers le carrosse dont la portière était tenue ouverte par l’un des gardes. Héloïse les accompagna jusqu’au bout et, quand elles furent assises de part et d’autre de l’ouverture, se pencha et embrassa Émilie. Un baiser long et tendre. Elle fit de même avec Isabella, n’ayant cure des soldats, bien que ce geste mérite la potence.

Elle se recula ensuite, leur sourit et hocha la tête.

— Puisse Dieu vous préserver des dangers et veiller sur vous deux. Je ne vous oublierai jamais…

Sa voix se brisa.

— Adieu… Je…

Isabella se pencha et la regarda s’enfuir vers le couvent. Quelques instants après, la porte se referma avec un bruit sourd.

— Comme une mise au tombeau…

Émilie la regarda.

— Que dis-tu ?

— Je disais que cela me fend le cœur de la voir retourner dans ce tombeau…

Le garde pencha la tête à l’intérieur.

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